Election au Conseil fédéral le 6 décembre

La bourse aux rumeurs ira bon train jusqu'à mardi soir, veille de l'élection. «On parlera beaucoup. Et pas seulement des profils politiques, mais aussi d'aspects anecdotiques comme la longueur des jupes», déclare Ruth Grossenbacher, ancienne conseillère nationale démocrate-chrétienne.

Avec un lobbying discret, elle avait contribué l'année dernière à l'élection de Ruth Metzler. Mme Grossenbacher n'a toutefois ni glissé des billets sous les portes des chambres d'hôtel, ni veillé des nuits durant au Bellevue. La première pratique est une légende, la seconde n'est pas son style, souligne-t-elle. Celui qui fait du lobbying doit le faire de manière subtile, ajoute Mme Grossenbacher. Il s'agit par exemple d'organiser des contacts informels en dehors du cadre strict des auditions avec les groupes. Inviter un collègue à boire un verre pour lui arracher une promesse de vote n'amène rien, selon elle.

Bien au contraire: les pactes du mardi soir peuvent très bien voler en éclats le jour de l'élection. Chez les députés, il y a une règle non écrite: «Ne jamais dire pour qui l'on a finalement voté», rappelle l'ancienne conseillère nationale. Le déroulement de plusieurs tours de scrutin est en outre difficilement prévisible.

L'ancien président du Parti socialiste (PS) Helmut Hubacher en a fait l'expérience en 1983, lors de l'échec de la candidate officielle Liliane Uchtenhagen. A la surprise générale, c'est finalement Otto Stich qui avait été élu. Le Soleurois avait été lancé dans la course, la «Nuit des longs couteaux» précédant l'élection, par les radicaux, avec l'aide de camarades socialistes dissidents. M. Hubacher avait senti la montée, en coulisses, de ce mouvement d'opposition, mais n'avait pas pu l'empêcher. Un événement spectaculaire, se souvient-il.

L'ancien président du PS observe toutefois quelques changements. Autrefois, les soirées où les dernières stratégies étaient «confortablement» aiguisées, les députés trouvaient encore le temps de jouer au jass dans les différents «stamm». Aujourd'hui, l'activité parlementaire est devenue plus exigeante et le temps se fait de plus en plus rare. «Les politiciens sont continuellement en route quelque part», selon M. Hubacher. Le doyen du PS, qui a siégé 34 ans au National, pense que le lobbying personnel prend toujours plus d'importance. L'ex- conseiller national radical Ernst Mühlemann est du même avis. A la question de savoir qui sont les véritables «faiseurs de rois» sous la coupole fédérale, il répond de manière sibylline: «Il y a ceux qui le sont et ceux qui croient l'être».

Pour le politologue Iwan Rickenbacher, des représentants de toutes les sensibilités politiques ont cherché à tirer les ficelles en vue de l'élection de ce mercredi. De leur côté, les dirigeants des groupes parlementaires ont dû ainsi se concentrer sur l'organisation du processus de décision. Mais les stratégies et les tentatives de pression ne font pas tout. En fin de compte, chacun des 246 conseillers nationaux et conseillers aux Etats revendique le droit à une décision personnelle, relève M. Mühlemann.

(sda)