Lutte contre le sida: il faut établir de nouvelles priorités

L'Afrique du Sud a connu un succès important dans le procès qui opposait 41 firmes au gouvernement. La plainte contre une loi permettant l'importation de médicaments à prix avantageux et l'utilisation des médicaments génériques a été retirée.

L'Etat n'a pourtant de loin pas gagné son combat contre la pandémie. 4,7 millions de personnes sont actuellement infectées par le HIV. Et ce chiffre s'élève à plus de 25 millions si l'on prend en compte tout le continent.

Dépendance au marché

Thomas Schwarz, de Médecins du monde, exige d'autres concessions de la part des entreprises. L'industrie pharmaceutique doit fournir sur le marché d'autres médicaments plus faciles à administrer, ainsi que des vaccins, estime le représentant de l'ONG qui se dédie notamment aux questions liées à la santé dans le domaine de la coopération internationale.

«La réalité est que l'industrie pharmaceutique ne produit que là où elle considère qu'il existe un marché», relève M. Schwarz. Si, dans le cas du sida, les médicaments répondent aussi aux besoin des pays du nord, cela n'est pas le cas - excepté pour les voyageurs occidentaux dans les pays tropicaux- pour le traitement de la malaria.

Dans cette lutte contre le paludisme, par exemple, les efforts au niveau international ont été nécessaires, souligne Jonathan Quick, de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). D'ailleurs, une initiative visant à recueillir de l'argent pour les recherches issues des secteurs publics et privés a déjà été lancée par l'organisation onusienne.

Concessions nécessaires

M. Schwarz considère indispensable que les firmes, comme dans le cas de l'Afrique du sud, réduisent leurs profits et leur contrôle sur les médicaments. «Ceux-ci doivent être pour une large part un bien public. Ils doivent être mis à disposition des pays qui en ont besoin à un prix avantageux», suggère-t-il.

Thomas Cueni, porte-parole du syndicat sectoriel Interpharma, insiste sur la nécessité de protéger les brevets. Tous le reste serait un «signal négatif» pour la recherche. Il remarque que 95 % des remèdes qui sont sur la liste des «médicaments essentiels» de l'OMS ne sont plus sous brevet.

Pourtant, les brevets et les prix ne sont pas les seules limites rencontrées dans la lutte contre la maladie. M. Schwarz estime tout aussi indispensable un système étatique de santé efficace.

Le fond global proposé fin avril par Kofi Annan, le secrétaire général des Nations Unies, lors de la conférence d'Abuja, au Nigeria, pourrait très bien intervenir pour ce faire. Selon M. Annan, une campagne globale contre le sida pourrait coûter annuellement jusqu'à dix milliards de dollars.

Le président américain George W. Bush a d'ores et déjà promis 200 000 dollars. En Suisse, la conseillère fédérale Ruth Dreifuss a loué mardi la création d'un tel fonds, qui lui apparaît comme un réel besoin.

Lutte contre la pauvreté

Un système de santé efficace comprend des hôpitaux, du personnel et des mesures de prévention. Les Etats africains ont fait un premier pas en indiquant à Abuja vouloir investir 15 % de leurs budgets dans l'élaboration d'un système de santé décent.

La pauvreté, les inégalités sociales et les lacunes liées à la formation doivent être combattus, estime M. Schwarz. La propagation de plusieurs maladies s'expliquent en effet par ces facteurs. «Les Etats et la politique internationale doivent fixer de nouvelles priorités, et cela à long terme», conclut le responsable de Médecins du Monde.

(Corinne Dobler/sda)