Yougoslavie: les manifestants contrôlent le parlement et la TV

"Bonsoir, Serbie libérée", a-t-il crié à la foule en délire. Il prenait la parole au meeting organisé par les partis d´opposition au régime de Slobodan Milosevic pour le contraindre à reconnaître sa défaite dès le premier tour de l´élection présidentielle, bien que le Conseil constitutionnel en ait annulé le résultat dans la matinée.

"La Serbie effectue son tour d´honneur en ce moment et Slobodan Milosevic n´est pas sur la piste", a ajouté celui que les Etats-Unis, l´Union européenne, la Russie et les pays voisins considèrent unanimement comme le net vainqueur du scrutin du 24 septembre.

Des centaines de milliers

"La Serbie a rejoint la route de la démocratie et, là ou se trouve la démocratie, il n´y a pas de place pour Slobodan Milosevic", s´est-il exclamé devant une foule qui réclamait l´arrestation du leader serbe en scandant "Il est fini!".

A l´appel de l´opposition, plus de 300 000 manifestants, venus de toute la Serbie par autocars entiers, ont afflué jeudi dans le centre de Belgrade, se rendant rapidement maîtres du Parlement et de la télévision d´Etat, qui a cessé peu après toutes ses émissions.

L´agence officielle yougoslave Tanjug, qui fournissait un des plus grands soutiens médiatiques au président yougoslave, a même annoncé en soirée, dans une dépêche, qu´elle était "avec le peuple".

Pour la démocratie

La police retranchée dans les deux bâtiments n´a opposé qu´une résistance peu convaincante et des scènes de fraternisation ont eu lieu, permettant, pour le moment d´éviter, une effusion de sang. Les policiers ont tiré des gaz lacrymogènes à quelques reprises mais on n´a recensé qu´une poignée de blessés légers.

"Soyez avec nous, venez aussi dans les rues de Belgrade, sortez afin de célébrer avec nous la victoire finale de la démocratie", avait lancé un présentateur de télévision à la population avant que les trois chaînes publiques ne cessent tour à tour d´émettre.

Bâtiments incendiés

Des flammes s´échappaient en fin d´après-midi des immeubles du Parlement et de la télévison d´Etat. "Nous n´avons pas le droit de quitter cette place. Nous ne pouvons partir sans avoir gagné", a déclaré à la foule Veljja Ilic, le très populaire maire de Cacak, une ville aux mains de l´opposition.

Quelques incidents avaient éclaté dès avant le début officiel de la manifestation, mais ils avaient été rapidement maîtrisés par les organisateurs, qui cherchaient depuis le début de la campagne de désobéissance civile à mettre la police de son côté.

Mutisme de MIlosevic

Slobodan Milosevic observait en fin de journée le plus total mutisme et entretenait le mystère sur ses intentions immédiates. Mais son Parti socialiste de Serbie (ex-communiste) a déclaré qu´il se battrait "par tous les moyens contre la violence et les destructions et pour le rétablissement de la paix dans le pays". Selon le maire de Nis, Zoran Zivkovic, qui s´adressait lui aussi a une immense foule massée dans la ville méridionale, des unités militaires ont refusé de faire mouvement sur la capitale. Il a invité la population à ne se livrer à aucune provocation envers les soldats.

Eviter le bain de sang

Les capitales occidentales ont invité les forces de sécurité à ne pas retourner leurs armes contre la population. Tour à tour, Berlin, Washington, Londres, Paris et Berne ont invité Slobodan Milosevic à éviter un bain de sang à son pays en cédant dès maintenant à la volonté populaire.

(klei/news.ch)